[critique] Prisoners + rencontre avec Denis Villeneuve
Nouveau long métrage du réalisateur québécois Denis Villeneuve (Incendies), Prisoners est un thriller qui suit une enquête sur la disparition de deux fillettes, enlevées, et mettant principalement en scène le policier chargé de les retrouver (Jake Gyllenhaal) ainsi que le père d'une des enfants (Hugh Jackman).
Des acteurs au top
C'est certainement la plus grande réussite du film. Jake Gyllenhaal et Hugh Jackman brillent, le premier en flic compétent, impulsif et stressé (avec un TIC), qui prend de plus en plus à coeur l'affaire qu'il suit; le second en père désabusé et impuissant, qui décide de faire justice lui-même. La confrontation de ces deux personnages est un plaisir et leurs scènes communes sont très fortes. L'authenticité que dégage l'ensemble du casting permet au spectateur de vivre avec intensité l'action au moment où elle se déroule, et d'accepter plus facilement les comportements parfois difficiles des personnages, surtout celui du père. Ainsi, un lien affectif fort se créer entre le spectateur, le flic et le père. Paul Dano (Little Miss Sunshine, There will be blood) est aussi excellent dans le rôle du mec dont on ne sait pas s'il est taré/débile/psychopathe/bercé trop près du mur.
La transformation des personnages est très travaillée, on assiste aux différentes réactions que peuvent avoir des gens tout à fait normaux face à cette terrible épreuve. La colère puis la culpabilité pour Keller Dover (Jackman), le déni puis la dépression pour Grace Dover (Maria Bello), l'acceptation pour Nancy Birch (Viola Davis) ou l'apathie pour Franklin Birch (Terrence Howard). Même l'inspecteur Loki (Gyllenhaal) est affecté : rigoureux voulant bien faire les choses, il est montré comme le bon flic qui résout toutes ses affaires mais face à cette enquête difficile il va parfois sortir du rang et même commettre des fautes.
Un scénario haletant malgré une base classique
Les histoires d'enlèvement on connaît. La gentille famille qui déprime on connaît. Les personnages qui veulent se faire justice eux-mêmes on connaît. On peut se dire que l'histoire de Prisoners n'a rien d'originale et c'est plutôt vrai, on voit que les codes des films d'enlèvements sont là, avec les rebondissements, les différents suspects, les réactions face à cette épreuve... Mais comme je le disais, le travail effectué sur les personnages est tellement monumental et les acteurs tellement parfaits qu'on ne peut qu'accrocher.
Même si le film est long (2h30 environ), le rythme est bien tenu et on ne s'ennuie pas, on reste la bouche ouverte devant l'écran, désirant tout savoir, tout découvrir, avoir enfin le fin mot de l'histoire. Vers la fin, il y a évidemment plus de suspens et c'est là que l'histoire est efficace car jusqu'au bout on ne sait pas ce qui va arriver... Et l'image de fin nous scotche, le générique apparaît et il faut un peu de temps avant de retrouver ses esprits.
La mise en scène, la photographie, le montage, la musique... tout apporte une certaine fluidité qui permet aussi de bien rentrer dans le film et de suivre l'histoire.
Prisoners est un thriller réussi, haletant, où tout est parfaitement maîtrisé et avec un travail remarquable sur les personnages. On retient l'interprétation magistrale de Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal qui apportent beaucoup à leurs rôles.
Note finale : 8/10
Rencontre avec le réalisateur Denis Villeneuve
Le réalisateur a eu la gentillesse de répondre à quelques questions. Voici un petit compte-rendu !
Il a le scénario en main depuis un certain temps (scénario que l'on doit à Aaron Guzikowski) mais il ne voulait pas l'adapter car il trouvait l'histoire trop sombre, lui qui venait de réaliser le déjà pas très gai Incendies. Mais finalement il s'est décidé et nous a dit en rigolant qu'un jour peut-être il ferait une comédie.
Concernant le choix des acteurs, il précise que c'était l'élément le plus important du film et que c'est là où il voulait mettre le plus de budget. Il voulait des acteurs haut de gamme pour bien appréhender l'histoire. En lisant la critique ci-dessus vous savez qu'il a eu raison ! Il sentait en Hugh Jackman une force pas assez exploitée, c'est vrai que l'acteur n'avait pas dû faire beaucoup d'efforts d'interprétation dans le dernier opus de Wolverine. Concernant Jake, il travaille avec lui sur un autre film qui va sortir, An Enemy. Le réalisateur explique que Jake est très créatif et qu'il a beaucoup apporté à son personnage. En effet, tous les protagonistes du film étaient déjà bien dépeints sauf Loki et c'est pour cela que la créativité de Jake a été très appréciée.
A propos de la descente aux Enfers du personnage de Jackman, le réalisateur explique que l'objectif assez compliqué était de faire accepter au spectateur de suivre le personnage dans ses dérives. Il a utilisé la religion, et en particulier les prières, pour se faire. Il explique que la religion était déjà présente dans le scénario et qu'il trouvait que ça faisait sens d'en parler puisqu'elle prend une place importante chez les américains, en particulier des américains de classe moyenne comme montrés dans le film.
Concernant la photographie, il voulait quelqu'un qui arrive à donner une certaine poésie au film, car l'histoire était déprimante et qu'il y avait besoin d'une note positive.
Enfin, il a évoqué que le fait d'être québécois l'a aidé à faire un film sur l'Amérique avec des américains car, même s'il se sent plus proche de cette nation que de la France par exemple, il existe une certaine distance, assez faible mais bien là, qui l'aide à avoir un certain regard, et qui lui a permis d'adapter des choses du scénario à sa sauce.
>> Pour nous rejoindre sur facebook (avec des exclu et des concours en plus), c'est juste dessous :
Commenter cet article